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mardi 6 mai 2014

Des élèves empêchés de débattre librement sur la Shoah

ETATS-UNIS. Le Rialto Unified School District, un réseau scolaire de la Californie du sud, a suscité la polémique après les révélations dimanche dernier par un journal local, d’un travail de recherche soumis récemment à quelque 2.000 élèves de 8e grade (13-14 ans) du Comté de San Bernardino. La dissertation en cause avait pour thème : «L’Holocauste nazi a-t-il existé ou a-t-il été un outil de propagande utilisé à des fins politiques et pécuniaires ?»

Examen révisionniste

L’objectif du devoir était d'aiguiser le sens critique des collégiens face à un épisode marquant du XXe siècle admis comme vrai depuis le Procès de Nuremberg (20.11.1945-01.10.1946). L’épreuve consistait pour les écoliers à compulser de la documentation sur le sujet via les médiathèques et Internet, puis de l'analyser et, in fine, de justifier leur point de vue en rédigeant un texte dans lequel ils expliquent s'ils croient ou non à l'Holocauste en tant que fait historique avéré. Pour ce faire, les élèves devaient étudier notamment les témoignages d’imposteurs de la Shoah et les thèses révisionnistes comme celles de David Irving, Horst Mahler ou encore Bradley Reed Smith qui mettent en doute, entre autres, la réalité des chambres à gaz ou le nombre de Juifs exterminés par le régime hitlérien. La lecture de The Holocaust Industry (2000) de Norman Finkelstein était aussi recommandée.

Menaces de mort

Suite à la publication dans la presse de ce questionnaire, des associations juives ont porté plainte contre les responsables du réseau scolaire, sommés de s’expliquer sur cette affaire. Par ailleurs, ceux-ci ont dû faire face à de nombreuses menaces de mort. Lundi matin, à la sortie des classes, plusieurs enseignants ont été pris à partie, insultés et molestés par des manifestants juifs. D'aucuns les ont accueillis avec un salut nazi. En conséquence, la police a été obligée d'intervenir et de renforcer la sécurité aux abords de trois établissements scolaires du district, où la situation était fort tendue, afin de protéger les professeurs et leurs élèves ainsi que les bâtiments. Onze chahuteurs ont été expulsés manu militari, trois autres interpellés.

Reculade

Hier après-midi, sous la pression d'une ligue juive, la direction du Rialto Unified School District faisait marche arrière et assurait que toutes les références négationnistes aux camps de concentration nazis durant la Seconde Guerre mondiale seront supprimées du programme scolaire et des bibliothèques. «C’était une grave erreur ! Nous savons tous que l'Holocauste n'est pas un bobard... Nous regrettons profondément la douleur que cela a pu engendrer» a déclaré Syeda Jafri, la porte-parole des collèges du Comté de San Bernardino, tout en s'excusant pour la méprise, ce en signe d’apaisement envers la communauté israélite. Bien entendu, le travail de recherche controversé a été annulé.

Juifs satisfaits

L'Anti-Defamation League (USA) a accueilli cette décision comme une victoire sur le révisionnisme. En effet, l’organisation juive avait protesté avec véhémence contre ce devoir scolaire le qualifiant d'antisémite et sans valeur didactique. Elle souligne que la négation du génocide nazi n’est pas une opinion mais un crime non seulement vis-à-vis du peuple hébreu mais de l’Humanité tout entière. Matthew Friedman, membre de l’ADL, rappelle que personne n’a le droit de remettre en cause la matérialité de ce drame. Et de citer la résolution A/RES/61/255 (26.01.2007) de l'ONU condamnant le déni de l'Holocauste et toute activité menée en ce sens. Après cette fâcheuse affaire, il juge nécessaire que tous les enseignants californiens, qu'ils soient dans le secteur public ou privé, fassent l’objet d’une formation de sensibilisation sur la question au Museum of Tolerance à Los Angeles (USA). Enfin, l’ADL informe qu’elle propose un matériel éducatif sur l'Holocauste sous le titre Echoes and Reflections, réalisé en partenariat avec l'USC Shoah Foundation (USA) et Yad Vashem (ISR), qui est à la disposition gratuite des écoles américaines.

Décision contestée

En revanche, plusieurs parents déplorent cette censure en dénonçant l’ingérence d’une minorité confessionnelle dans le programme pédagogique. Ils estiment que l'école ne doit pas dispenser uniquement des connaissances mais aussi développer chez les élèves leur ouverture d'esprit et leur sens critique, ce peu importe le sujet abordé. Cette dissertation les aurait exercés, notamment, à faire le tri entre les informations fantaisistes et les crédibles, précise une mère. Dans le cas concerné, on a préféré brider la réflexion, au lieu de la susciter, en empêchant ces adolescents d'étudier la Shoah à loisir et de livrer leurs opinions. Pour beaucoup, le recul de l'autorité scolaire est inacceptable dans le pays des libertés où le 1er amendement de la Constitution permet, par exemple, à l'American Nazi Party de promouvoir la haine raciale et de défiler en public avec croix gammées, le cas échéant sous protection policière. Bref, le Rialto Unified School District a fait preuve d'intolérance et de servilité en cédant à un certain lobby, fort de sa mentalité victimaire.